![]() |
![]() |
LA CÉLÉBRATION
DU MARIAGE/1
Forme canonique et problèmes
pastoraux en Afrique
Dans la réalité africaine, le fidèle fait souvent face
à trois “types” de mariage : le mariage coutumier, le mariage civil et le
mariage sacramentel. ![]()
Le mariage coutumier est considéré comme le vrai
mariage, puisqu’il donne droit à la vie commune et à la procréation des
enfants. Soumis aux différentes traditions qui célèbrent la fécondité plus que
la fidélité, il est ouvert éventuellement à la polygamie qui est contraire à
l’unité du mariage prônée par le lien sacramentel.
Le mariage civil intéresse plutôt les catégories
sociales les plus “modernisées” ; dans certains pays, il est obligatoire
avant la célébration du mariage religieux.
Ce dernier, moins courant, intéresse une minorité,
malgré la grande considération dont il est l’objet. Assez souvent, il est
célébré à un âge mûr, quand la fécondité du couple est bien établie et
lorsqu’on est sûr de sa stabilité. Il est aussi généralement assez coûteux et
suppose, selon les différentes traditions, le payement total de la dot exigée
par la famille de la femme, condition sine
qua non pour la célébration du mariage.
L’aspect personnaliste du consentement matrimonial,
comme sous-entendu au can. 1057 §1 du Code de l’Église, qui caractérise le
mariage sacramentel, est parfois opposé à la vision liée à la grande famille
africaine qui valorise plus les droits de la communauté et des familles que
ceux des conjoints.
Par ailleurs, la forme canonique du mariage pose un
autre problème de nature anthropologique, car elle est perçue souvent comme un
produit du monde occidental. La dimension “ponctuelle” du consentement des
époux qui la caractérise contredit la vision du mariage par étapes
progressives, propre à bien des cultures africaines.
Il n’est donc pas étonnant que nombre de fidèles en
Afrique restent unis seulement par le mariage coutumier. Dans ce cas les
conjoints, n’étant pas considérés comme mariés par l’Église, sont exclus des
sacrements, ce qui constitue un problème pastoral majeur dans les Églises du
continent.
Souvent, les fidèles mariés selon le droit coutumier
assument effectivement et vivent de facto
les propriétés essentielles du mariage chrétien, comme l’unité et
l’indissolubilité, sans pourtant s’y engager selon la forme canonique ; dans l’Église, ils sont censés vivre en concubinage
et exclus de l’accès aux sacrements.
Nous voulons donc considérer la forme canonique exigée
par le droit canonique pour le mariage des catholiques et dont le non-respect
entraîne l’invalidité du sacrement même ; nous examinons ses éléments constitutifs et ensuite
les problèmes pastoraux provoqués par leur absence.
Le mariage sacramentel et ses éléments fondamentaux
Selon le can. 1057, le mariage sacramentel exige trois
éléments essentiels pour sa validité : la capacité juridique des parties
concernées, leur échange de consentement et la forme légale prescrite pour
manifester ce dernier, ce que nous appelons “forme canonique”. ![]()
Le consentement matrimonial, c’est-à-dire l’acte de la
volonté par lequel un homme et une femme, juridiquement capables, se donnent et
se reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable dans la vie matrimoniale
(can. 1057 §1), est l’élément constitutif, irremplaçable et ne peut être
suppléé par aucune puissance humaine (can. 1057 §2). De par le droit naturel,
aucune formalité n’est requise pour échanger ce consentement ; pourvu qu’il existe, qu’il soit libre et non empêché
par des situations dirimantes, le mariage iure
divino pourrait donc être conclu par les parties sans aucune formalité.
Le mariage a toutefois une importance d’ordre social
et ecclésial, en plus de celle d’ordre individuel ; voilà pourquoi sa célébration, dans l’intérêt de la
communauté, des conjoints et de leurs familles, ne peut pas se faire sans une
forme publique, selon des modalités établies par le droit. C’est le principe
fondamental des États modernes, comme également de l’ordonnancement canonique.
Historique de la forme canonique
Pour mieux comprendre notre problématique, nous
évoquons rapidement l’historique de la forme dite canonique du mariage,
jusqu’aux formalités exigées par le droit de l’Église en vigueur.
Avant le Concile de Trente (1545-1563), aucune forme
juridique n’était prescrite pour la validité du mariage ; d’ordinaire, le mariage des chrétiens était célébré
devant le prêtre, les parents et les amis. De par le droit naturel, les
mariages clandestins (c’est-à-dire conclus en privé, sans l’intervention du
prêtre ou de témoins) étaient de soi valides, bien qu’illicites, à partir d’un
certain moment. ![]()
Le Concile de Trente, avec le décret Tametsi (11 novembre 1563), marque un
tournant. En effet, pour leur validité, les mariages doivent désormais être
célébrés devant le curé propre des conjoints ou un prêtre délégué par celui-ci
ou par l’Ordinaire, et devant au moins deux témoins. Le fait est que, pour être
obligatoire, ce décret devait être promulgué dans chaque paroisse et ce ne fut
pas le cas partout et ainsi, les mariages clandestins restèrent possibles et
valides. La compétence du curé était personnelle (c’est-à-dire seulement par
rapport à ses propres sujets et cela partout) et elle était uniquement passive
(sa simple présence suffisait), ce qui rendait possibles les mariages “par
surprise”.
C’est seulement sous le pontificat de Pie X, avec le
décret Ne temere de la Congrégation
du Concile (2 août 1907) que la forme canonique établie au Concile de Trente
devient partout obligatoire ; l’assistance est désormais seulement territoriale et non plus
personnelle et elle doit être active, dans ce sens que l’assistant demande et
reçoit le consentement libre des parties, c’est-à-dire sans contrainte, intimidation
ou fraude.
Le Code actuel de l’Église reprend substantiellement
ces normes.
Forme canonique et forme liturgique
Il ne faut pas confondre cette forme canonique exigée
pour la validité des mariages des catholiques et la forme liturgique de leur
célébration qui n’est pas exigée pour leur validité. ![]()
La forme liturgique est constituée par les rites et
les cérémonies religieuses qui accompagnent le mariage chrétien et en expriment
l’événement ecclésial et sacramentel. Les ministres du sacrement du mariage sont
les conjoints eux-mêmes. Dans le mariage, le ministre et le sujet ne sont pas
distincts comme dans les autres sacrements. Le prêtre et le diacre sont
seulement des “assistants”, c’est-à-dire des témoins qualifiés qui demandent et
reçoivent le consentement. N’oublions pas que dans l’Église, les mariages
clandestins (sans prêtres) jusqu’au décret Ne temere étaient bien valides et le mariage célébré dans la forme
extraordinaire (sans prêtre ou d’autres assistants) est encore valide. Le
prêtre et le diacre sont seulement les ministres des rites liturgiques et des
cérémonies sacrées de la célébration du mariage (non du sacrement du mariage)
et comme tels, ils invoquent sur les époux les bénédictions divines. La forme canonique concerne, par contre, les modalités prescrites par la loi pour la manifestation du consentement des parties ; leur observance est nécessaire pour que le consentement donné par les conjoints ait une efficacité légale dans l’Église et que le sacrement soit valide. Comme nous le verrons, le Code parle d’une forme canonique ordinaire et d’une forme extraordinaire que nous nous proposons de considérer. Silvia Recchi
03/03/2014
|