LA CÉLÉBRATION
DU MARIAGE/2
Forme canonique et
problèmes pastoraux en Afrique
Les mariages des catholiques doivent respecter une
forme établie par le droit de l’Église, afin qu’ils soient considérés
sacramentels.
Le can. 1108 §1 donne les éléments de cette forme et
signale des exceptions.
La forme canonique ordinaire
Le principe général dispose que seuls sont valides les
mariages contractés devant l’Ordinaire du lieu[1] ou bien le curé[2] ou devant un prêtre
ou un diacre délégués par l’un d’entre eux, qui assiste au mariage[3], ainsi que devant deux
témoins.
Celui qui assiste au mariage est un témoin qualifié
qui a la faculté pour exercer une fonction au nom de l’Église.
S’agissant des deux témoins, il est requis uniquement qu’ils puissent témoigner de la célébration
du mariage, c’est-à-dire qu’ils aient l’usage de la raison, la capacité de se
rendre compte de ce qui se passe et d’en témoigner. Ils doivent être présents,
en même temps que le témoin qualifié, au moment où le mariage est célébré. Leur
présence est passive alors que celle de l’assistant est active.
La faculté d’assister au mariage est ordinaire, si
elle est attachée à l’office, comme dans le cas de l’Ordinaire du lieu et du
curé ; elle est déléguée, si elle est concédée à la
personne sans l’intermédiaire d’un office.
L’Ordinaire du lieu et le curé, à moins qu’ils n’aient
été excommuniés, interdits ou suspendus de leur office, assistent validement,
en vertu de leur office, dans les limites de leur territoire, aux mariages non
seulement de leurs sujets, mais aussi de ceux qui ne le sont pas, pourvu que
l’un ou l’autre soit de rite latin (cf. can. 1109).
Le Code applique le principe de territorialité : les Ordinaires du lieu et les curés ont la faculté
seulement pour tous ceux qui se trouvent dans les limites de leur territoire
(diocèse, paroisse...).
L’Ordinaire ou le curé personnels pour un groupe de
fidèles déterminés par le rite, la nationalité, la langue ou tout autre
critère, assistent validement, en vertu de leur office, uniquement aux mariages
de ceux dont au moins l’un des contractants est leur sujet dans les limites de
leur ressort (cf. can. 1110)[4].
L’Ordinaire du lieu et le curé peuvent déléguer aux
prêtres et aux diacres la faculté d’assister aux mariages dans les limites de
leur territoire. Dans le cas d’une délégation générale, le délégué peut
subdéléguer pour un cas particulier ; par contre la délégation spéciale concerne un
mariage déterminé et ne peut être subdéléguée, sans permission spéciale du
délégant (cf. can. 131 et can. 137).
Le Code actuel permet que là où il n’y a ni prêtre ni
diacre, l’évêque diocésain, sur avis favorable de la Conférence épiscopale et
avec l’autorisation du Siège apostolique, puisse déléguer des laïcs, hommes ou
femmes, pour assister aux mariages ; ces laïcs doivent être idoines,
capables et aptes à accomplir convenablement la célébration du mariage (cf.
can. 1112).
La forme canonique extraordinaire
Le Code prévoit aussi une forme extraordinaire du
mariage (cf. can. 1116).
Pour la validité de la forme extraordinaire, il faut
des conditions subjectives et objectives explicitées par le droit. Les
conditions subjectives sont l’intention de contracter un vrai mariage chrétien
et les conditions objectives, l’absence d’un assistant compétent selon le
droit, et un grave inconvénient de l’avoir ou d’aller le trouver. En plus, il
faut qu'il y ait danger de mort, non pas nécessairement imminent, mais proche,
même si les faits démentent ensuite cette appréciation, ou encore, en dehors du
danger de mort, des circonstances telles qu’avec prudence il soit prévu que
cette situation durera au moins un mois.
Quant aux témoins, il ne leur est rien demandé de plus
que d’être présents, d’avoir l’usage de la raison et d’être capables de
témoigner de la célébration du mariage.
Dans la forme extraordinaire, aucune formalité
spéciale n’est requise pour la manifestation du consentement; une manifestation
extérieure ou une “certaine forme
publique” (cf. can. 1127 §2) devant les deux témoins suffit.
Quant à la présence éventuelle d’un prêtre ou d’un
diacre qui n’ont pas la faculté d’assister, elle est souhaitée, non pour la
validité de la forme extraordinaire, mais pour être coresponsables dans la
communication de la célébration en forme extraordinaire au curé de la paroisse
et pour rehausser le caractère sacré de cette célébration extraordinaire.
Les personnes tenues à la forme canonique
Qui sont donc les personnes tenues à la forme
canonique, sous peine d’invalidité de leur mariage?
Le Code l’explicite au can. 1117 ; la forme canonique doit être observée si au moins
l’une des parties contractant mariage a été baptisée dans l’Église catholique
ou y a été reçue, après réception du baptême dans une autre communauté
ecclésiale chrétienne non catholique. L’autre contractant peut être un baptisé
catholique ou un chrétien non catholique, ou encore une personne non baptisée,
en observant, selon le cas, les dispositions concernant les mariages mixtes[5] et les mariages avec
disparité de culte[6].
Dans les mariages mixtes ou dispars, les exigences
concernant la forme canonique du mariage deviennent très souples et si de
graves difficultés empêchent que la forme canonique ne soit observée,
l’Ordinaire du lieu de la partie catholique a le droit d’en dispenser, restant
sauve pour la validité du mariage "une certaine forme publique de
célébration" (cf. can. 1127 §2)[7]. Il appartient à la
Conférence épiscopale de fixer les règles selon lesquelles ladite dispense sera
concédée en suivant une pratique commune sur son territoire. Par contre, il est
interdit, avant ou après la célébration canonique, qu’une autre célébration du
mariage ait lieu. Il est également interdit que l’assistant catholique et le
ministre non catholique, chacun accomplissant son propre rite, demandent
ensemble le consentement des parties.
Dans les situations plus difficiles, le droit
canonique demande qu’il y ait seulement "une certaine forme publique de
célébration". De quelle forme s’agit-il?
Il s’agit en l’occurrence d’une forme publique de
droit, utilisée dans un certain contexte social, par exemple le rite d’une
communauté religieuse non catholique ou même la forme purement civile du
mariage.
Donc, l’Église peut valider dans certains cas un
mariage contracté seulement à l’état civil ou selon le rite d’une Église
chrétienne non catholique ; elle peut "canoniser", en accordant la dispense de la forme
canonique, une forme publique de la célébration du mariage. Elle peut également
permettre, comme dans la forme extraordinaire, de réduire au minimum les
exigences de la forme canonique. Par contre, elle ne "canonise" pas
les rites traditionnels du mariage coutumier ; ceux-ci en effet ne sont pas pris en compte comme
"forme publique de célébration".
On peut donc se poser la question de savoir pourquoi
cette souplesse à l’égard de la forme du mariage que le droit canonique permet
dans certaines situations ne s’applique pas aussi à la célébration des mariages
traditionnels africains, avec comme conséquence le phénomène dont nous avons
parlé, notamment celui d’un grand nombre de fidèles exclus des sacrements du
fait qu’ils vivent dans une situation jugée irrégulière.
Les Africains devenus catholiques, attachés à leurs
traditions, sont étonnés de la façon ponctuelle et individualiste dont on
célèbre le mariage en Occident et souvent perplexes que l’on traite de
concubins les couples qui entrent dans le processus progressif du mariage
traditionnel. Certains auteurs africains accusent ainsi le droit de l’Église de
ne pas tenir compte des cultures africaines quant à la forme qu’on exige pour
la validité du mariage et ils sollicitent une réflexion sérieuse.
Quand on se réfère aux motifs de son imposition au
concile de Trente, la forme canonique du mariage est perçue par bien
d’Africains comme une transposition de la coutume matrimoniale occidentale, qui
perd tout son sens dans un milieu où le mariage est public et a une dimension
communautaire[8].
(À suivre)
______________________
[1] Quant à l’Ordinaire du lieu, en dehors du Pape, il
s’agit de l’évêque diocésain, des prélats équiparés, de l’administrateur
diocésain, de l’évêque coadjuteur et de l’évêque auxiliaire muni de facultés
spéciales ; du vicaire général et des vicaires épiscopaux, selon la teneur de
leur nomination, pour un territoire déterminé ou pour une catégorie déterminée
de personnes.
[2] Le curé proprement dit territorial, le curé personnel,
le quasi-curé, l’administrateur paroissial ; le vicaire paroissial ou le prêtre qui sont chargés
de la paroisse.
[3] Restant sauves les exceptions dont il s’agit aux
canons 144 (supplet Ecclesia en cas
d’erreur commune et de doute positif et probable), 1112 §1 (un laïc assistant),
1116 (forme extraordinaire), 1127 §1-2 (mariage mixte).
[4] La faculté d’assister aux mariages de ces personnes,
dont au moins une est leur sujet en raison du critère donné, est cumulative
avec celle de l’Ordinaire du lieu ou du curé territorial.
[5] C’est le mariage entre deux personnes dont l’une a été
baptisée dans l’Église catholique ou y a été reçue, et l’autre inscrite à une
Église ou à une communauté ecclésiale n’ayant pas la pleine communion avec
l’Église catholique.
[6] C’est le mariage entre deux personnes dont une baptisée dans
l’Église catholique ou y a été reçue et l’autre non baptisée.
[7] Puisque les exigences de la forme canonique sont de
droit ecclésiastique et non de droit divin, elles peuvent s’assouplir, voire
disparaître dans certains cas. Le droit prévoit une dispense dans les
situations plus problématiques. Il ne faut pas non plus oublier qu’il y a la
possibilité de concéder la sanation radicale pour remédier à un mariage célébré
par exemple seulement à l’état civil, ou au temple protestant, sans le respect
de la forme canonique et sans une dispense de celle-ci, pourvu que le
consentement des parties portant sur les propriétés essentielles du mariage
chrétien (monogamie, lien indissoluble…) demeure.
[8] Cf. J-M. V. Aksanti Koko Balegamire, Mariage africain et mariage chrétien, L’Harmattan,
Paris 2003, 208.
07/03/2014