PETITES LUMIÈRES DANS LA NUIT
Diffusion des publications du Centre d'Études en Belgique
Autrefois, il soulevait des montagnes ; aujourd’hui, le christianisme en Belgique – soulignait une éditorialiste belge peu avant Noël dernier – est à la peine, en butte à d'innombrables difficultés, devenu presque invisible, tant il est dilué et intégré dans l’humanisme laïque[1].
Le titre de l'éditorial est, dans son
ambigüité, très significatif : Minuit
chrétien. Paraphrase du célèbre chant de Noël (Minuit ! Chrétiens…), il devient une image ultérieure qui
s'ajoute à tant d'autres qu'on rencontre en lisant les journaux ou en surfant
sur le web, qui illustrent la situation de l'Église en Belgique :
"Dans le coma, malade terminale, à risque d'extinction", et perdue
maintenant dans le "minuit chrétien". ![]() On ne mesure certes pas la foi avec les nombres, mais ceux-ci ont leur importance dans l'évaluation d'un phénomène. Et les chiffres sont, en effet, désolants. La participation à la Messe du dimanche des fidèles belges entre cinq et soixante-neuf ans était tombée à 13% en 1996 et a chuté à 5% en 2009[2]. Le nombre des paroisses en Flandre se réduira drastiquement dans les prochaines années. Sous peu de temps, en disparaîtra plus de 75% : on passera des 1.800 actuelles à un maximum de 400 paroisses[3].
Les paroisses disparaissent, mais est en
train de disparaître de l'horizon, remarquait Claudio Magris, surtout la
culture de la foi, provoquant "une grave mutilation pour tous, croyant et
non-croyants, parce que cette culture chrétienne est l'une des grandes
dramatiques syntaxes qui permettent de lire, ordonner et représenter le monde,
d'en dire le sens et les valeurs, de s'orienter dans l'enchevêtrement féroce et
insidieux de la vie"[4].
Petites lumières dans la nuit
La société belge est investie, sans doute,
par l'avancée de la "désertification" spirituelle dont parlait Benoît
XVI : "Ce que pouvait signifier une vie, un monde sans Dieu, au temps
du Concile, on pouvait déjà le percevoir à travers certaines pages tragiques de
l’histoire, mais aujourd’hui nous le voyons malheureusement tous les jours
autour de nous. C’est le vide qui s’est propagé"[5].
Un vide que les mille initiatives humaines,
la frénésie productrice ou le bruit médiatique des clicks et des tweets ne
réussissent à remplir.
Et pourtant, continuait Benoit XVI, "c’est
justement à partir de l’expérience de ce désert, de ce vide, que nous pouvons
découvrir de nouveau la joie de croire, son importance vitale pour nous, les
hommes et les femmes. Dans le désert on redécouvre la valeur de ce qui est
essentiel pour vivre ; ainsi dans le monde contemporain les signes de la
soif de Dieu, du sens ultime de la vie, sont innombrables, bien que souvent
exprimés de façon implicite ou négative". ![]()
"Si tu cherches la lumière, Benoît,
pourquoi donc choisir une grotte obscure ? – lit-on à l'entrée du Sacro
Speco de Subiaco –. La grotte ne peut offrir la lumière que tu cherches. Mais
oui, continue donc à chercher dans les ténèbres les rayons de lumière, car ce
n'est que dans la nuit profonde que brillent les étoiles".
Même dans la nuit de notre temps, dans le
désert spirituel de notre monde, on peut apercevoir, de manière inattendue, de
petites lumières qui brillent encore. Car, "même l’homme du troisième
millénaire désire une vie authentique et pleine, a besoin de vérité, de liberté
profonde, d’amour gratuit. Même dans les déserts du monde sécularisé, l’âme de
l’homme a soif de Dieu"[6].
Le pari du semeur
En partant de cette conscience ou, pour
mieux dire, en osant ce pari, nous avons lancé, il y a de cela en peu plus d'un
an, dans le diocèse de Hasselt (Belgique) – où se trouve le siège de la
Communauté Redemptor hominis avec sa
maison-mère – l'initiative de faire connaître les publications de notre Centre
d'Études: de brefs textes d'Emilio Grasso qui, traduits en néerlandais, sont
diffusés dans les paroisses du Limburg belge et aussi, depuis peu, du Limburg
néerlandais.
Un pari qui n'était pas si évident, eu
égard à tous les aspects de la culture de notre temps qui tendent à offrir
toujours davantage l'image d'un monde où il n'y a plus de place pour Dieu.
"Nous vivons dans une société qui exclut Dieu de l’horizon ; et cela,
jour après jour, empoisonne le cœur !", écrivait Pape François dans
un message[7]. ![]()
Mais le pari du semeur de l'Évangile aussi
n'était pas si évident. La seule chose qu'il pouvait faire était de semer à
pleines mains, dans l'espoir que quelques poignées de grains trouveraient,
d'une manière ou de l'autre qui lui serait inconnue, parmi les routes, les
cailloux et les épines, un peu de cette bonne terre qui aurait produit des
fruits.
Avec cet espoir, nous avons commencé, comme
pour des semailles sans calculs, à diffuser les publications et à les offrir
aux fidèles.
Avec l'accord des curés, nous sommes
présents, tous les samedis et les dimanches, dans deux ou trois paroisses du
diocèse de Hasselt pour présenter les textes de notre Centre d'Études. Souvent
nous sommes accueillis aussi par des monastères qui ouvrent aux fidèles leur
liturgie dominicale. Depuis peu, nous nous rendons régulièrement aussi dans les
paroisses du Limburg néerlandais et sommes aussi présents dans différents
sanctuaires où l'affluence des fidèles est toujours importante.
C'est une présence très ramifiée qui,
week-end après week-end, a désormais touché 136 paroisses en Belgique et 32 aux
Pays-Bas.
Même les chiffres parlent
Le premier des livres d'Emilio diffusé a
été celui sur la signification de la Messe : Van offer naar feest. De structuur van de mis is de structuur van ons
leven (“Du sacrifice à la fête. La structure de la Messe est la structure
de notre vie"), publié par Averbode, l'une des plus importantes maisons
d'édition de la Flandre.
Timidement et presque craintifs, nous en
avons imprimé un millier de copies, en nous demandant si nous aurions pu les
écouler toutes. La maison d'édition nous avait prévenus, en effet, que pour un
livre religieux il ne fallait pas s'attendre au-delà des 500 copies vendues –
ce qui était un résultat dont on pouvait être bien satisfaits – et qu'il
fallait quelques années pour en compter 3.000 ou 4.000 de vendues, et là encore
pour des livres d'auteurs "très tendance".
Ce fut donc une surprise tout d'abord pour
la maison d'édition avant que pour nous-mêmes, le constat qu'on avait vendu,
dans l'espace d'un peu plus d'an, plus de 3.500 copies de notre livre.
Au mois de novembre de l'année dernière
paraissait le deuxième livre d'Emilio, Luisteren naar Gods Woord. Kanttekeningen bij de dogmatische constitutie
Dei Verbum van het Tweede Vaticaans Concilie (“Ecouter la parole de Dieu. Notes sur la constitution dogmatique du Concile Vatican II Dei Verbum”).
On en avait imprimé 1.000 copies :
nous avons dû demander une deuxième édition, vu le peu de copies restées en
stock. ![]()
Un troisième livre d'Emilio, sur Jean Paul
II et les jeunes, Geloven is altijd een uitdaging. De heilige Johannes
Paulus II spreekt tot de jongeren (“Croire
est toujours un défi. Saint Jean Paul II parle aux jeunes"), a été publié
à l'occasion de la canonisation de ce Pape.
Certes, on le
disait plus haut, les chiffres ne mesurent pas la foi et non plus la recherche
intérieure d'un homme. Ils indiquent, toutefois, un phénomène qui, tout petit
qu'il soit, parle de la soif d'une parole différente, de la soif de sens et de
transcendance, de la soif de Dieu jamais définitivement éteinte.
En ouvrant
l'Année de la Foi, Benoît XVI invitait tous les fidèles à le vivre comme "un
pèlerinage dans les déserts du monde contemporain"[8].
Et dans le désert, on peut toujours
apercevoir, inattendue et dans des oasis perdues et lointaines, cette eau qui,
invisible à l’œil, continue cependant de couler sous la surface brulante et
aride du désert.
Giuseppe Di Salvatore
______________________
[1] Cf. Ch. Laurent, Minuit chrétien, in www.levif.be
[2] Cf. E. Arcq - C. Sägesser, Le fonctionnement
de l'Église catholique dans un contexte de crise, in "Courrier
hebdomadaire", n. 2112-2113 (2011), 78. [3] Cf. Kerk hervormt en sluit tientallen kerken, in www.deredactie.be
[4] Cf. C. Magris, Quando
scompare il senso religioso. Religioni all'ingrosso, un crepuscolo dell'anima,
in www.corriere.it
[5] Benoît XVI, Homélie de la Messe d'ouverture de l'Année de la Foi (11 octobre
2012).
[6] Benoît XVI, Homélie des Premiers Vêpres de la solennité des Saints Apôtres Pierre
et Paul (28 juin 2010).
[7] Cf. Pape François @Pontifex_fr 29 mars 2014.
[8] Benoît XVI, Homélie pour l'ouverture de l'Année de la Foi (11 octobre 2012).
27/05/2014
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