Interviews/17
MBALMAYO
: ville DE GRÂCES, VILLE bÉnie
Interview accordée par l'abbé Apollinaire
Ebogo
* À partir de
votre riche expérience, pouvez-vous nous présenter l'apport de l'Église
catholique à l'édification de la ville de Mbalmayo ?
Je connaissais déjà la ville de Mbalmayo avant d'y
arriver en 1963. En effet mes parents
En raison de ses réalisations matérielles et sociales,
l'Église fut sollicitée par les Chefs de la région pour qu'elle s'installe chez
eux. Ce fut le cas du Chef de Mbalmayo, Foe Avodo. En 1928, il demanda à l'évêque
de Yaoundé, Mgr François-Xavier Vogt, d'envoyer des prêtres s'installer dans sa
ville.
Depuis leur arrivée à Vimli (ancien nom de Mbalmayo), les
prêtres missionnaires ont fait d'une partie de la ville appelée aujourd'hui New
Town, un site touristique à visiter. Vous y trouvez encore aujourd'hui non
seulement les édifices caractéristiques de la vie ecclésiale comme l'église ou les
résidences des prêtres et des sœurs, mais aussi des structures à caractère social
: l'hôpital, l'école maternelle, le complexe des écoles primaires et le Collège
Saint-Cœur de Marie.
Au-delà de l'apport en faveur de la promotion humaine, l'Église,
au début, se présenta en même temps comme protectrice des populations. Je garde
ainsi le souvenir des prêtres missionnaires qui, autour des années 1930, ont
été condamnés à payer des amendes à l'administration coloniale parce qu'ils
s'opposaient à l'indigénat ou travaux forcés de la route Adzap-Benebalot, non
loin de Mbalmayo. Le Père Pierre Pichon (1890-1968), ancien curé de Minlaba, la
plus ancienne mission du diocèse de Mbalmayo, fondée en 1912 par les pères
Pallottins, a même été expulsé et rapatrié en France.
Je pense aussi à la médiation jouée par le Père Albert
Moll (1909-1972), spiritain, à l'occasion de l'assassinat du Chef de
Subdivision de Mbalmayo Jean Boyer en 1947, lorsque l'administration coloniale
voulut réagir par des représailles contre les populations. C'est grâce à
l'Église que tant d'innocents eurent la vie sauve !
Ayant joué un rôle important dans le développement de la
ville à ses origines, l'Église a semblé par la suite se replier sur elle-même
en s'appliquant à l'entretien du déjà-acquis et à sa fonction liturgique.
Fort heureusement, en 1961, un évènement viendra secouer
la cité de sa douce
Avec lui, la ville de Mbalmayo se réveille. Elle connaît
depuis une extension géographique exponentielle, surtout au quartier de
Mbockulu où l'évêque s'est établi et y a construit le Séminaire Saint-Paul. Les
efforts en faveur de la promotion humaine sont ainsi redoublés. Le même
dynamisme continuera et s'accentuera d'ailleurs avec son successeur, Mgr
Adalbert Ndzana.
Actuellement, le secteur santé de l'église catholique est
un des plus remarquables dans la ville de Mbalmayo : trois grands hôpitaux, en
effet, ont été construits et offrent des soins de qualité (Saint-Rosaire, Saint-Luc,
Zamakoé).
Le secteur de l'éducation a également bénéficié de
l'apport de l'Église. Des établissements de renom sont nés aux trois niveaux
scolaires : Maternel (École L'espoir) ; Primaire (Écoles Nina et Sacré-Cœur) ;
Secondaire (Collèges Saint-Cœur de Marie, Nina Gianetti et Jean Paul II).
Au regard de l'apport de l'Église catholique à Vimli-Mbalmayo,
j'ai envie de dire : "Enlevez l'Église et Mbalmayo s'effondre".
* Votre
ministère vous a permis de côtoyer les familles et les associations appartenant
aux divers groupes ethniques présents dans notre milieu. En tant que pasteur,
vous avez œuvré en faveur de la solidarité. Pouvez-vous nous parler de ce grand
défi auquel notre ville est confrontée ?
L'un des grands défis qui interpelle l'Église aujourd'hui
à Mbalmayo, c'est justement le vivre ensemble. L'Église qui donne à l'homme la
formation intégrale par l'éducation et lui permet de tenir debout par les soins
de santé doit maintenant travailler à ce que les prières, les sacrements
passent concrètement dans le vécu quotidien. C'est seulement à cette condition
que l'on pourra briser toute sorte de cloisonnement.
Même dans les paroisses de la ville, hélas, les
confréries, les associations, les
Aujourd'hui où la vie sociale et politique nous
interpelle, l'Église de Mbalmayo doit donc se réveiller et relever le défi de
la solidarité et de l'accueil réciproque. Elle doit trouver les moyens d'amener
les hommes et les femmes à vivre au quartier, au marché, à l'église, en
communion, en famille, bref en frères et sœurs, en transcendant les
regroupements ethniques.
Comment pourrait-on y arriver ? Encore une fois, l'Église
est appelée, comme en 1930, comme en 1961, à œuvrer pour le "salut"
de la ville de Mbalmayo et à la libérer de tout ce qui freine son progrès.
L'arrivée du nouvel évêque, Mgr Joseph-Marie Ndi-Okalla,
nous remplit en ce sens de joie et d'espérance. L'Église de Mbalmayo attend de
lui un souffle nouveau en vue d'un plus grand témoignage prophétique. Il est du
milieu, il est pétri d'expérience. Il est appelé à faire passer son concept
théologique du "sacrement de la fraternité" à la pratique pastorale.
Les journées pastorales d'octobre 2017 qui ont rassemblé
pendant quelques jours trois cents délégués ‒ prêtres, religieux et laïcs ‒ des
diverses paroisses du diocèse et d'ethnies différentes (Bene, Ewondo, So',
Yengono, Yelinda...) sont sans aucun doute un
Cette rencontre, la première en son genre dans notre
diocèse, a été précédée par un autre important événement ecclésial : la visite à
Mbalmayo du Cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, accompagné
d'une trentaine d'évêques d'Afrique Centrale à l'occasion de leur Assemblée
plénière qui s'est tenue à Yaoundé en juillet 2017. En cette circonstance,
notre évêque a voulu que la ville soit solennellement bénie par l'auguste
délégation afin d'aider nos populations, très attentives d'ailleurs aux signes
religieux, à s'engager résolument pour que Mbalmayo, jadis appelée Ville
cruelle, puisse devenir une ville de grâces, une ville bénie. * Monsieur l'abbé, merci beaucoup de votre patience et de votre disponibilité à ouvrir pour nous le livre de votre précieuse expérience. (Propos recueillis par Franco Paladini)
13/02/2018 |